"Nos confrères méritent d’être
à l’honneur"
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Le P. Michel Mukendi est aumônier à la Fondation d’Auteuil,
pour les Yvelines. Il est né en RD Congo. L’évocation du
massacre de Kongolo a marqué son engagement dans la Congrégation
et ceux des spiritains congolais de sa génération.
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D’où viens-tu et
qu’as-tu entendu dire au sujet du massacre de Kongolo dans ton
pays ?
Je suis né en 1977 à Kolwezi, dans la province du Katanga,
mais j’ai grandi à Kinshasa, la capitale. C’est par des
spiritains travaillant dans la région que j’ai entendu parler de
20 missionnaires spiritains tués en quelques secondes, ces
témoins de l’Évangile qui ont versé leur sang
à Kongolo, en 1962.
Comment cet
événement t’a-t-il
marqué ?
En lisant l’histoire de la RD Congo, mon pays, j’ai
réalisé que beaucoup de personnes ont perdu leur vie, soit
à cause de l’indépendance, soit à cause de leur
foi. Parmi eux, la bienheureuse Anuarite Clémentine, le bienheureux
Isidore Bakanja et mes anciens confrères de Kongolo. Lorsque j’ai
pris connaissance de l’histoire de ces confrères,
martyrisés à cause de rivalités politiques et ethniques
et surtout par intérêt politicien de l’époque, je me
suis dit que le monde n’aime pas la vérité et qu’il
rejette la lumière.
Quel impact cet
événement tragique a-t-il eu sur ta
vocation ?
Le sang versé par ces missionnaires pour mon pays, suscite entre
nous, jeunes Congolais, de nombreuses vocations pour la vie religieuse et
sacerdotale. Pour moi qui suis spiritain, ils ont témoigné de
leur foi jusqu’au sang. Dès lors, je suis persuadé que
l’on doit vivre l’appel de Dieu sans crainte et « à temps plein ». Du temps
où je me rendais à Kongolo en 2002-2003, pour mon stage
pastoral, le pays était divisé et partagé entre les mains
des rebelles. Chaque fois que je me heurtais aux barrières des
rebelles, j’implorais l’intercession de mes confrères
martyrs. Leur sang versé a éveillé en moi un vif
élan, pour aller jusqu’au bout de ma vocation, quelles que soient
les conditions et les circonstances.
Comment cet événement a-t-il été ressenti dans ton pays ?
Cet événement, comme tant d’autres tragiques, a eu un grand retentissement et provoqué en général l’indignation et la désolation. Pour les anciens de Kongolo qui ont vécu avec les 20 missionnaires, c’était la perte de leurs pères dans la foi. Pour les politiciens du pays (sans vouloir leur faire un procès d’intention) ce devait être un bon débarras. Mais pour nous, spiritains congolais, ces Pères ont témoigné de leur foi, pour l’avenir et pour le salut du Congo.
Que déclarent les autorités politiques sur le massacre de Kongolo ?
Pas grand-chose, à ma connaissance. Certaines autorités, en leur nom personnel, ont déploré les faits de Kongolo. Mais rien de façon officielle. Lors de campagnes électorales, des leaders politiques, notamment ceux de la région du Katanga, rappellent parfois cet événement pour accuser les autres partis politiques d’avoir commandité le massacre. Mais ce qui est navrant, aucune mise en lumière, aucune enquête, jusqu’à ce jour, n’a été ouverte sur ces faits tragiques.
Mourir pour sa foi et pour les autres : est-ce que cela parle aux chrétiens de ton pays ?
Comme toujours, il y a ceux qui manquent de courage, vivent dans la peur et sont incapables de dire la vérité, si minime soit-elle. De ceux-là, je dis qu’ils ne sont chrétiens que de nom.
Mais beaucoup de chrétiens vivent réellement leur foi, se donnant jour et nuit au service de leurs frères et sœurs jusqu’à payer de leur vie. Ils dénoncent le mal, protestent contre la dictature, le vol organisé, le pillage des richesses du pays et, souvent, sont victimes de violence, torturés, parfois tués.
Quels sentiments t’inspire la tragédie de Kongolo ?
Évidemment, elle reste une blessure et une perte pour l’Église et pour notre famille religieuse mais, selon moi, elle est aussi et avant tout un fait de gloire, car nos confrères ont accepté de donner leur vie au nom de la vérité et de la foi. « Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler » (Rm 8, 18), rappelle saint Paul. Je compare les massacres de Kongolo à ceux des Maccabées ou de Jean Baptiste : massacrés pour avoir refusé de manger de la viande souillée, décapité pour avoir dénoncé le mal. À cause de leur courage, nos confrères méritent d’être à l’honneur.
Quel message tirer de cet événement ?
Courage ! Vous connaîtrez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage… (cf. Jn 16, 33). N’allez pas les craindre… Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme… (cf. Mt 10, 26-32).
Propos recueillis par Evarist Shirima