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Regarder tout homme avec les yeux de Dieu<
En Pologne, les spiritains animent des paroisses difficiles en portant
une attention toute spiritaine aux plus pauvres : détenus,
handicapés, alcooliques anonymes et les nouveaux oubliés d’une société qui
évolue vite.
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Zbyszyce. Les PP. Jan Popa et
Mirosław Depka desservent la paroisse Saint-Barthélemy, érigée au XIII e siècle. Les spiritains y
sont arrivés en 1991. Mirosław est aumônier des 450 détenus de la prison
 de Nowy Sącz, des hommes incarcérés pour crimes, vols, affaires de mafia,
trafic de drogue, à 90 %
catholiques. « Pas de programme de réintégration,
explique-t-il. Les détenus me demandent
de les aider. Je suis disponible pour tous de 15 à 20 heures par
semaine. Davantage avant les fêtes. Pour 2011, je prépare un pèlerinage avec
les détenus aux peines lourdes. J’invite enfants et jeunes des écoles à donner
des spectacles en prison. Des donateurs m’ont aidé à y ouvrir une chapelle. Une
bonne collaboration avec direction et surveillants me permet de discuter des
conditions de vie des détenus. Les cellules logent de 2 à 15 hommes. Il
m’arrive de célébrer la messe pour un seul détenu pour raison de sécurité. »
 Jan est aumônier de la maison
d’aide sociale : 130
malades mentaux dont 30 jeunes. Et 100 agents de service. « Je me rends compte, dit-il, qu’il
est possible à certains moments de communiquer même avec des handicapés
profonds. Ils s’aident les uns les autres. Cela me permet de travailler avec
eux. Spiritains, nous avons obtenu cette paroisse parce que travailler auprès
des détenus et des handicapés est difficile. Malgré le manque de ressources
pour vivre et travailler correctement, nous y réalisons une vraie mission de
spiritains. »
Cielądz. Les PP. Dariusz
Andrzejewski et Marek Reiwer animent la paroisse de la Sainte-Trinité : 3 000 pratiquants en 5 messes par dimanche. Et
plus de 60 personnes de tous âges aux 2 messes quotidiennes matin et soir.
Érigée en 1428, la paroisse a vu son église reconstruite 4 fois. Les 1 ers
spiritains y ont été nommés pendant le régime communiste par le cardinal
Wyszyński, primat de Pologne. Ils reposent au cimetière du village.
L’école primaire et le gymnase Père-François-Mietki (spiritain) comptent 160
élèves chacun. Ils sont gérés par la mairie qui paie maîtres et entretien.
Woki. Le P. Władysław
Pelczar et le F. Rafał Przybyuski tiennent la paroisse
Notre-Dame-Reine-de-Pologne. Les spiritains ont acheté ces 7 ha près de la Vistule avant
la guerre pour nourrir leurs séminaristes. La maison a abrité leur noviciat de
1983 à 2004. La chapelle reçoit 200 personnes en 2 messes chaque dimanche. Les
3 autres églises rassemblent 1 200
fermiers et ouvriers. Dans l’un des villages, une maison accueille 40 handicapés
où les confrères interviennent. La paroisse permet des travaux d’entretien de
la maison. Mais pas la rénovation qu’il faudrait entreprendre pour pouvoir y
accueillir des confrères à la retraite.
Chojnice. Les PP. Mirosław
Zabrocki, Jerzy Bernacki et Wojciech Laniecki dirigent la paroisse du
Christ-Roi et du Bienheureux-Daniel-Brottier :
1 500 pratiquants, 40 % de la population. Avec 4
messes le dimanche et 2 par jour en semaine. « Tous les mardis, messe du Père Brottier. Ses
reliques sont vénérées lors des mariages et des célébrations. »
« Nous sommes connus par notre
soutien aux alcooliques anonymes, ajoute Mirosław. Ils tiennent une rencontre par semaine. Deux
fois par an, une assemblée régionale de plus de 100 personnes. Les jeunes
pratiquent moins qu’auparavant. Ceux qui vont à l’école ailleurs nous quittent
après leur 1re communion. Notre site donne des infos sur les
activités locales, diocésaines et nationales. Je renvoie à d’autres sites
catholiques et autres : solidarité avec
l’Afrique, faim dans le monde, réseau Foi et Justice. Mais aussi sur les
violences familiales, les sectes. Je passe 2 jours par semaine à la maison
d'arrêt de Chojnice. Sans programme préétabli, j’écoute les détenus. De 2 à 7
d’entre eux se confessent. Puis nous célébrons la messe dans une salle. Vers
Noël, je visite chaque détenu pour partager le petit pain de l’amitié. Comme
avec les gardiens et les autres fonctionnaires.
À la prison, je rencontre des hommes qui ont tout perdu. Certains
pensent régulièrement au suicide. Je leur fais comprendre que leur vie n’a pas
perdu tout son sens. Mes visites ont sauvé des familles de problèmes liés
souvent à l’alcool. Le petit groupe Caritas de la paroisse aide les détenus à
trouver un travail à leur sortie ou un appui pour mieux rebondir. Plus petite
paroisse de la ville, nous sommes les plus actifs dans ce domaine. »
Bydgosczcz. Forte présence
spiritaine : paroisse du Saint-Esprit, église du Saint-Cœur-de-Marie et
communauté placée sous le patronage du P. Paweł Barański, spiritain,
né en 1885 et tué à Dachau en 1942. Le P. Marek Karczewski présente sa paroisse : « 9 400 hab., 9 000
catholiques dont 40 % pratiquent. Tous les
jours 2 messes, 6 le dimanche. Les gens sont à 75 % des
retraités aisés. Notre priorité : les enfants scolarisés
hors de la paroisse dont beaucoup ont des problèmes familiaux.
Un nombre impressionnant de jeunes participent aux pèlerinages, à Czestochowa
surtout. En 3 ans, 3 spiritains sont sortis de notre paroisse. En 2010, 4
autres candidats se proposent dont 2 ont eu des difficultés à convaincre leurs
parents. »
Le P. Bogdan, vicaire, raconte sa
pastorale à lui. « Soigné pour sortir de l’emprise de l’alcool,
dit-il sans gêne, je consolide ma
guérison par des visites au centre de soins. Mon vécu m’aide à guider d’autres
personnes. Je remercie Dieu de m’avoir tiré de cette maladie et lui demande de
me tenir, car je ne suis pas sûr de moi à 100 %. Les 8 ans
passés en Afrique du Sud m’ont appris que si tu es proche des gens, qu’ils
soient noirs ou blancs, ils t’écoutent. J’ai été ouvert à tous mais surtout aux
plus souffrants. En Pologne, les conditions matérielles sont moins dures. Mais
les gens sont partout les mêmes. Quand ils viennent à la messe, crispés par
leurs soucis, je leur souris. Pour les regarder avec le regard de Dieu.
Problème récurrent en Pologne, l’alcoolisme s’aggrave par le fossé qui se
creuse entre riches et pauvres. Les petits sans travail et sans moyens tombent
facilement dans la drogue et l’alcool. Beaucoup vivent au jour le jour. Depuis
le changement de régime, ils espéraient mieux. Ils découvrent, déçus, que les
usines ferment, qu’ils n’auront plus de travail et que, même diplômés, ils seront dans la rue. À Bydgoszcz, les
fabriques de bicyclettes, de radios, de poudre à laver ont fermé. Sont arrivées
banques et grandes surfaces. À Gdańsk, les chantiers navals sont fermés. À
la campagne, les gros fermiers ramassent les subventions européennes pendant
que les petits n’ont rien et se font exploiter par les intermédiaires du
commerce. Les impôts ont augmenté. Les médias aggravent la situation. Ils
évitent totalement les problèmes d’une grande part de la population. »
Puszczykowo. La paroisse
Saint-Joseph est animée par les PP. Marek Smyk, Sławomir Zastępowski
 et Janusz Poksiński. Le P. Sławomir Bożych est aumônier d’un
hôpital de 300 lits. « Tous les jours, je visite les malades et
leur assure la messe. Mon téléphone reste continuellement ouvert. Mis à part
quelques personnes, témoins de Jéhovah, anciens communistes incroyants et
athées, tous sont heureux de me voir. J’écoute, j’accepte les confessions qui
rendent la paix aux cœurs anxieux. Certains retrouvent la foi au cours de leur
maladie. Par ce travail spiritain, je donne aux malades une part de l’Esprit
qui anime notre congrégation, avec le sourire. C’est un témoignage de
l’efficacité de l’Évangile, une mission qui me rend profondément heureux. »
Le P. Marek Smyk, le curé, parle
de la paroisse : 4 500 pratiquants, 3 écoles
(primaire, collège et lycée) avec 1 000
élèves et 5 catéchistes laïcs payés. « Nous participons à toutes les fêtes
organisées par les autorités de la ville, dit-il. Démocratie et liberté ont provoqué une baisse de la pratique. Les gens
étaient plus nombreux et s’engageaient plus qu’aujourd’hui. Mais notre esprit
communautaire plaît aux gens. Ils apprécient les spiritains de passage qui
évoquent leur travail missionnaire. Nous célébrons aussi avec l’ensemble de la
communauté paroissiale, nos fondateurs, des événements anniversaires et les
anciens spiritains qui ont travaillé ici. Une partie de la maison paroissiale
est prêtée à la Fondation de Malte qui y accueille 30 handicapés. Les
spiritains prennent part à leurs rencontres, assurent des célébrations avec les
150 membres des familles. »
Le P. Sławomir
Zastępowski donne 18 heures
de catéchèse par semaine à 10 classes de jeunes de 16 à 19 ans. « Avec 2 heures de catéchèse prévue au programme par
semaine, les jeunes sont régulièrement notés, explique-t-il. Ces points qui comptent dans leur évaluation
jouent dans leur motivation. Ce sont les problématiques sociales et politiques
qui intéressent le plus les jeunes, avec les relations de l’Église avec le
social et la politique. La vie des prêtres aussi, les missions d’ailleurs, les
nouvelles de l’Église, les actualités qui touchent à la moralité et aux
problèmes des gens. Les grandes classes évoquent préservatif et relations
sexuelles. Mais ce qui frappe dans ce monde de jeunes, c’est qu’ils veulent
avoir tout et tout de suite de ce qu’ils voient et savent avoir par d’autres
ailleurs : partenaire, argent, voiture… D’où une
certaine tension dans leur esprit. Sont-ils heureux ? Ils ne se rendent
pas compte, même si on le leur a dit, de ce que leurs parents ont vécu, il y a
20 ou 30 ans du temps des communistes ! »
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