Le collège des jésuites de
Louis-le-Grand permet une large variété de sections et de formations. Claude
Poullart, qui a déjà fait ses humanités, sa rhétorique, la philosophie et le
droit, entre dans le groupe des théologiens se préparant à être prêtres. Il vit
dans un climat de prière et de vie évangélique. Nous savons par ses notes
personnelles et par les témoignages de ses collègues que son entrée à
Louis-le-Grand fut l’occasion d’un grand approfondissement spirituel. «
Je
passais des temps considérables devant le Saint-Sacrement ; c’étaient là mes
meilleures et mes plus fréquentes récréations […] je ne pouvais souvent retenir
des
torrents de larmes. C’était dans la participation du corps de Jésus que je
puisais ce détachement qui me faisait mépriser le monde et ses manières »
(D. M., p. 324).
À Louis-le-Grand,
Claude entre à l’Assemblée des amis (Aa)
Il n’est pas étonnant
qu’il ait été sollicité très rapidement par un groupe de prière dès son arrivée
au séminaire, à Paris, le groupe de l’Assemblée des amis (Aa) : le groupe le
plus fervent (et secret) des séminaristes qui voulaient s’aider mutuellement à
vivre la pratique la plus stricte des vertus de l’Évangile. Cette pratique de
ferveur chrétienne comportait, comme cela est défini dans le manuel du groupe,

Pratique des Vertus chrétiennes, une vie de prière accompagnée, une vie de
communauté régulière, un règlement particulier approuvé par un directeur et des
activités extérieures auprès des pauvres. L’accent spirituel est mis sur le
Saint-Esprit, l’Eucharistie, Marie et le service des pauvres.
Nous possédons une partie
du plan de vie qu’il a rédigé, son règlement particulier. Ce sont des pages
d’une grande détermination dans son adhésion au Christ, par les prières qu’il
se fixe plusieurs fois par jour, par sa volonté d’étude et de service et par
l’élévation de sa prière. Son ami Pierre Thomas a su décrire à quel point
d’ascèse et de prière Claude Poullart s’est élevé ; il y sera fidèle toute sa
vie.
Divers services
des pauvres
Nous avons le témoignage
de ses activités pour les pauvres par une lettre de l’Aa de Paris à l’Aa de
Toulouse, le 20 mars 1703. On y découvre trois activités extérieures
significatives :il visite les malades des hôpitaux, il enseigne le catéchisme
aux jeunes immigrés qui n’ont pas été catéchisés (les ramoneurs savoyards) ; il
réunit et soutient des étudiants pauvres pour qu’ils puissent faire leurs
études de théologie.
Il trouve son inspiration
dans un cycle annuel de méditations contenu dans le manuel de l’Aa. Ces
méditations expliquent qu’un cœur aussi généreux que celui de Claude Poullart
ait pu trouver là l’orientation de toute sa vie. « L’amour de Jésus ne peut
être oisif ;

il passe du cœur aux mains et de l’affection à l’action. Autrement
il n’est pas amour […]. Il n’est point de preuve plus grande de l’amour que
nous avons pour Dieu et pour Jésus que celui que nous avons pour le prochain,
lequel, par une substitution glorieuse de Jésus mourant, a pris sa place sur la
terre, pour être l’objet le plus proche et le plus immédiat de nos affections
[…]. Et comme entre nos frères, les plus misérables sont les plus chéris de
notre Père et de notre bonne Mère, ils seront aussi ceux qui seront les objets
de notre affection : les pauvres, les malades, les affligés, auxquels se
joindraient les pécheurs […]. Que l’exemple de Jésus-Christ dont la naissance,
la vie, la mort, les pensées, les désirs, les prières, les larmes, les sueurs
et le sang n’ont regardé que le salut des pécheurs, est un puissant motif […].
Travaillons donc sérieusement, à l’exemple de Jésus-Christ, à leur conversion
et à leur salut et souvenons-nous que nous sommes les enfants d’une mère qui
est le refuge et l’asile des pécheurs » (J. Michel dans D. M., p. 107 ss).
Le groupe des «
pauvres écoliers »
Il réunit un groupe de «
pauvres écoliers » bloqués dans leur vocation par manque d’argent. Il vient
vivre avec eux, les aide et les anime. Il s’engage avec eux à la vie de
séminaire. Claude voit de plus en plus que ce service des pauvres écoliers est
un appel de Dieu. Il va s’y donner totalement et avec beaucoup de ferveur. «
Il est à propos que je rappelle ici dans mon
esprit ces moments de ferveur que j’eus le bonheur de ressentir dans mes
premiers retours à Dieu […]. Je ne pouvais quasi penser qu’à Dieu. Mon plus
grand chagrin était de n’y penser pas toujours. Je ne souhaitais que de
l’aimer, et, pour mériter son amour, j’avais renoncé aux attachements même les
plus permis de la vie » (D.M., pp. 323-324).
Claude a été alors
sollicité par son ami de Rennes, Louis-Marie Grignion de Montfort, pour venir
avec lui à l’œuvre des missionnaires qu’il préparait. Sa réponse montre qu’il a
déjà trouvé sa propre vocation dans les pauvres écoliers et qu’il n’entend pas
l’abandonner. «
Vous savez que, depuis
quelque temps, je distribue tout ce qui est à ma disposition pour aider de
pauvres écoliers à poursuivre leurs études. J’en connais plusieurs qui auraient
des dispositions admirables et qui, faute de secours, ne peuvent les faire
valoir et sont obligés d’enfouir des talents qui seraient très utiles à
l’Église s’ils étaient cultivés. C’est à quoi je voudrais m’appliquer en les
assemblant dans une même maison. Il me semble que c’est ce que Dieu demande de
moi. » (Réponse de Claude Poullart à Grignion de Montfort. J. M., p. 132).
2
La consécration au Saint-Esprit à la Pentecôte 1703
Ces « pauvres écoliers »
se préparent ainsi pendant les années 1701 et 1702. Ayant atteint le nombre de
douze, ils se consacrent au Saint-Esprit et à Marie le 27 mai 1703, fête de la
Pentecôte, en l’église Saint-Étienne-des-Grès, devant l’autel de la Vierge de
Bonne Délivrance, Notre-Dame des libérations, pour se consacrer à l’Esprit
Saint avec Marie. Cette cérémonie est considérée comme la fondation de ce qui
sera plus tard la congrégation du Saint-Esprit.
«
La fondation de Poullart des Places n’est pas une œuvre de plus parmi
les communautés de pauvres écoliers. Son originalité résulte d’une conception
d’ensemble qui, par ses exigences quant à la pauvreté des écoliers, la gratuité
et la durée de leurs études, en fait la meilleure réali-
sation en France des orientations du concile de Trente quant à la formation des
clercs » (J. Michel dans D. M., p. 112).