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  Dossier      Claude-François Poullart des Places - Devenir pauvre pour suivre le Christ 

 

Une équipe, une spiritualité, des objectifs


À la fin de 1704, plusieurs événements placent Claude Poullart des Places dans une grande souffrance intérieure et extérieure. Occasion providentielle : une retraite d’évaluation lui permet de poser les bases d’un séminaire qui peut devenir une fondation, avec une équipe formatrice, une spiritualité, un règlement et des objectifs apostoliques.

"Claude Poullart des Places comprend que la solution est dans la constitution d'une communauté de formation: les "Messieurs du Saint-Esprit" deviendront congrégation."


Les jours heureux du séminariste fervent ne vont durer que 18 mois. Il rencontre ses premières difficultés dans la conduite de sa maison, difficulté du quotidien ; il s’épuise et ne peut continuer. Il est seul pour un projet qui s’est alourdi et qui demande beaucoup de démarches et de santé. Et Claude, toujours aussi inquiet, s’en attribue la responsabilité : il mène trop de choses à la fois.
Il se trouve aussi face à une crise de conscience: il a perdu la joie de prier et de faire prier les autres. N’est-il pas sorti de la volonté de Dieu, qui lui importait plus que tout au monde ? « J’ai quitté le monde pour chercher Dieu, pour renoncer à la vanité et pour sauver mon âme ; et serait-il possible que je n’eusse fait seulement que changer d’objet et que j’eusse toujours conservé le même cœur ? » (D. M.)
Il en résulte enfin une crise sur l’authenticité de son projet : a-t-il bien présenté ce projet à ses supérieurs au départ ? Peut-être a-t-il un peu embelli le positif et minimisé les difficultés. Pour retrouver Dieu, faudra-t-il abandonner l’œuvre des « pauvres étudiants » ?
De plus, l’Aa de Louis-le-Grand est dissoute en cette fin de 1704. Nous n’en avons pas la raison précise, sinon le risque de discrimination qu’introduisait, en secret, un petit groupe de « bons » au milieu des « moins bons » parmi les étudiants.
Nous n’avons pas de témoignage sur la répercussion qu’un tel événement a eu sur Claude Poullart des Places. Mais nous savons qu’il y était très engagé, peut-être même un des responsables. Cette œuvre lui avait fait tant de bien. Il y avait puisé tant de grâces. Il y avait soutenu tant d’étudiants, et elle était remise en cause. Il ne pouvait que s’en attribuer quelque responsabilité. À la sortie de cette douloureuse retraite de la fin de 1704, Claude a surmonté cette crise. Nous n’avons pas ses résolutions écrites, mais nous savons ce qu’il a fait et nous connaissons sa prière quotidienne.

L’année 1705 est un moment de reprise de sa vie et de son œuvre
En 1705, après cette difficile retraite de remise en cause, Claude Poullart repart sur de nouvelles bases. Non, il ne s’est pas trompé ; non, il n’a pas été trompé. Mais son projet doit prendre de nouvelles assises. Pour durer justement, il ne doit pas vouloir le mener seul.
Si les difficultés qu’il doit affronter sont permises par Dieu, Claude les aborde avec cette patience qui en fait une suite du Christ sur son chemin de croix. « Celui qui veut venir après moi, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » : croix du travail quotidien, croix de porter la responsabilité d’orienter les autres, croix du doute et de l’incertitude, croix du manque de moyens, croix de la souffrance et de la maladie.
L’exigence du service des pauvres
Jésus avait averti ses disciples : « Des pauvres, vous en aurez toujours parmi vous ! » Pour les servir comme il se doit, il faut élargir le cadre de la réponse. Pour continuer la formation des séminaristes pauvres, il faut une organisation plus forte que la « maison de charité » de la rue des Cordeliers où il est seul au milieu de jeunes dont le nombre augmente sans cesse. Ce service exige, pour se poursuivre solidement, des hommes, des lieux, des règlements. Son effort, maintenant, sera de pourvoir à tout cela d’une façon désintéressée. Il comprend que la solution est dans la constitution d’une communauté de formation : les Messieurs du Saint-Esprit deviendront société et congrégation.
Il lui faut des prêtres formateurs, car il n’est encore qu’au milieu de sa théologie, tonsuré mais pas encore dans les ordres majeurs. Même son humilité ne doit pas l’empêcher de demander les saints ordres. Il va demander le sous-diaconat dès que possible, et prévoir le diaconat et la prêtrise. En attendant il lui faut immédiatement des collaborateurs prêtres. Il en sollicite trois qui vont le rejoindre assez rapidement : Jacques-Hyacinte Garnier (Rennes, 2e supérieur), Jean Le Roy (Quimper) et Michel-Vincent Le Barbier (Rennes, premier prêtre spiritain rappelé en juin 1709). Il prend aussi Pierre Caris comme membre de la communauté, qui en sera le « père spirituel et temporel ».
Voilà constituée la base d’une équipe de formateurs pour ce séminaire. Si modestes que soient ces débuts, cette équipe constitue la première communauté des premiers « Messieurs du Saint-Esprit ».
C’est là que nous reconnaissons la véritable fondation d’un groupe apostolique de prêtres et de laïcs permanents (portier, tailleur, cuisiniers, etc.) qui sont une communauté au service de la formation de ces jeunes pauvres qui veulent être prêtres pour le service des paroisses pauvres et des lieux qui manquent de prêtres. C’est la véritable fondation de la congrégation du Saint-Esprit, mais Claude Poullart ne la constitue pas formellement en communauté car une telle fondation était encore officiellement interdite, par le décret royal de 1666.
Pour maîtriser un si grand projet il fallait aussi un lieu plus adapté que la maison du Gros Chapelet. Poullart des Places se met à la recherche d’un plus grand espace et dès la rentrée d’octobre il installe ses cinquante jeunes, rue Neuve-Saint-Étienne (rue Rollin) où il y a locaux et jardins. C’est juste hors les murs de Paris, mais tout près, puisqu’en dix minutes on rejoint Louis-le-Grand. Là, se forgera, de 1705 à 1709, l’esprit particulier de la formation que veut dispenser Poullart des Places.
Enfin il faut inscrire les pratiques particulières de cette communauté dans un règlement connu de tous et adapté au fur et à mesure des questions nouvelles que pose le développement de la maison. C’est Claude lui-même qui rédige ces « Règlements généraux et particuliers ». Nous en avons le manuscrit, avec ses corrections successives, où l’on perçoit le fruit de l’expérience et de la sagesse spirituelle d’une œuvre qui mûrit bien.

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