Dossier
Claude-François Poullart des Places - Devenir pauvre pour suivre le Christ
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Prêtres pour les services délaissés dans l’Église
Dès le début, simplicité et pauvreté réunissent
des jeunes sous la conduite de Claude Poullart des Places. Le règlement du
séminaire en témoigne. Leur vie commune leur fait découvrir l’Évangile de la
pauvreté choisie par Jésus pour manifester le visage du Père. Les services des
plus démunis seront leur avenir. Et l’originalité, toujours actuelle, de cette
fondation. |
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Claude Poullart a voulu vivre
la pauvreté par choix évangélique. Il demande aux séminaristes, nés dans la
pauvreté, de s’engager dans une pauvreté voulue en imitation du Seigneur et en
préparation d’une meilleure insertion dans les ministères pauvres. Ces
ministères ne sont pas rétribués par des revenus officiels et ne sont pas
officiellement pourvus.
C’est une mystique de
pauvreté qui fait le lien entre les divers aspects de la formation et du
ministère futur. Elle prend sa source dans la contemplation du Christ depuis la
crèche jusqu’à la croix ; elle se développe avec les vertus évangéliques et
particulièrement les béatitudes de douceur, de miséricorde, de justice, de
paix, d’acceptation de la souffrance et des persécutions à cause du Christ ;
elle conduit à une vie toute donnée au service des pauvres dans leurs besoins
matériels et spirituels.
Dans les Règlements écrits
par Claude Poullart, on perçoit l’union à Dieu dans le dépouillement qui
caractérise cette fondation et assoit son avenir. En vivant avec joie dès le
séminaire une vie rigoureusement fidèle à l’esprit de l’Évangile, on prépare
une vie donnée au service, quel que soit ce qu’il en coûte dans les divers
domaines de la vie : en sobriété, en pauvreté, en privation, en solitude, en
persécution. «
On s’aimera tous à la vérité,
très tendrement, mais la tendresse pour
tous sera égale […] (n° 16).
Tous se
regarderont comme des pauvres à qui la Providence présente la nourriture qu’on
leur donnera au réfectoire […] (n° 67).
On
ne louera ni on ne blâmera point ce qu’on vient de manger (n° 73).
On ne se plaindra jamais que les choses sont
mal apprêtées […]. Un homme un peu mortifié, tel qu’on doit l’être ici, mange
indifféremment ce qu’on lui donne. Il trouve tout bon quand il se souvient que
son Dieu a été abreuvé de fiel et de vinaigre (n° 77). » On voit que les
motivations de cette rigueur sont d’inspiration évangélique.
Une spiritualité
de pauvreté incarnée dans le service des pauvres
C’est encore Charles
Besnard,

montfortain, qui décrit l’esprit de pauvreté de l’œuvre où l’inspiration
première trouvait des occasions de s’incarner dans la vie de tous les jours et
donc dans la pratique spirituelle. Cela va marquer les vies individuelles et
les exigences communautaires telles qu’on les retrouve dans les Règlements
ainsi que l’évolution de la fondation de Poullart des Places après sa mort. «
L’amitié que la conformité de vues, de
caractères, de sentiments avait formée entre M. de Montfort et lui, a toujours
subsisté entre les successeurs de ces deux grands hommes et leurs élèves. On
sait à quoi sont destinés les jeunes ecclésiastiques qu’on rassemble au
séminaire du Saint-Esprit. Formés à toutes les fonctions du sacré ministère et
à toutes les vertus sacerdotales, et plus encore par les exemples de leurs
sages directeurs, ils possèdent dans un souverain degré l’esprit de
détachement, de zèle et d’obéissance. Ils se dévouent au service et aux besoins
de l’Église sans d’autres désirs que de la servir et de lui être utiles […].
Qu’il faille être relégué dans le fond d’une campagne, ou enseveli dans le coin
d’un hôpital, instruire dans un collège, enseigner dans un séminaire ou diriger
dans une pauvre communauté, se transporter aux extrémités du royaume, ou y
continuer une austère résidence, qu’il faille même traverser les mers et aller
jusqu’au bout du monde pour gagner une âme à Jésus-Christ, leur devise est :
nous voilà prêts à exécuter vos volontés, “ecce ego, mitte me” (Is. 6, 8) »
(Besnard,
ibid).
Une formation
pour les services difficiles

À mesure que le séminaire
du Saint-Esprit est connu, de nouveaux services lui sont demandés, toujours
plus urgents et délaissés, soit dans les services d’écoles, d’hôpitaux ou
d’hospices, soit dans les paroisses reculées ou difficiles en France, soit dans
les missions intérieures et extérieures où la tâche est infinie. La
disponibilité des abbés sortant du Saint-Esprit sera vite connue et portera ses
fruits dans les paroisses pauvres en France, avant et après la Révolution.
Une ouverture aux
besoins nouveaux et aux nécessités de l’Église
Les besoins nouveaux vont
apparaître lorsque l’Église, ayant à desservir des paroisses et des aumôneries,
a besoin de beaucoup de personnes pour le service des communautés. La
reconnaissance officielle du séminaire soulignera cette orientation vers des
ministères désintéressés : «
Feu Sieur
Claude-François Poullart des Places a voulu par cet établissement élever, dans
une vie dure et laborieuse et dans un parfait désintéressement, des vicaires,
des missionnaires et des ecclésiastiques pour servir dans les hôpitaux, dans
les pauvres paroisses et dans les autres postes abandonnés pour lesquels les
évêques ne trouvent presque personne » (Lettres patentes de 1726).
Mgr de Beaumont, évêque de
Paris, en donne un clair témoignage en 1762 : «
Ce Séminaire a pour fin particulière d’élever de jeunes ecclésiastiques
dépourvus et détachés des biens de ce monde et de les disposer à aller partout
où leurs évêques les enverront, et à choisir de préférence les places les plus
pénibles, les fonctions les plus abandonnées et, par cette raison, les plus
difficiles à remplir […]. L’esprit de l’Institut […] est de redouter et de fuir
les places lucratives et honorables du sanctuaire, de se dévouer aux emplois
les plus obscurs et les plus fatigants, comme d’évangéliser les pauvres dans les
campagnes, les malades dans les hôpitaux, les soldats dans les armées, les
idolâtres dans le Nouveau Monde » (J. M., pp. 195-196, citant un manuscrit
de la Bibliothèque nationale de Paris).
Aujourd'hui encore, les spiritains vivent la Mission selon l'esprit de Claude Poullart des Places. Mgr J? Gardin visite un village de Pygmées à Lopola, Nord-Congo (à g.). Le Père Luc Takaye, Camerounais, rencontre un voisin
musulman à Bogo, Nord-Cameroun