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Une Église aux gestes prophétiques
À Taïwan, l’Église catholique rassemble 1,3 % de la
population. Dans une société high-tech restée attachée aux grandes religions,
elle intervient contre la peine de mort et se met au service de milliers de migrants.
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En 2010, l’Église catholique
taïwanaise comptait 309 prêtres chinois et 358 étrangers, avec 728 religieuses
chinoises et 325 étrangères. Les étrangers peinent à assimiler l’incontournable
langue chinoise. Les locaux ont du mal à comprendre le terreau religieux des
gens. La rencontre des autres religions fait partie du quotidien des
catholiques, parfois dès le sein de la famille. Mais le plus souvent dans une
tolérance respectueuse. L’Église ne propose pas de formation spécifique à
l’intelligence de la pluralité religieuse ou au dialogue. Des évêques plus
jeunes, natifs de Taïwan, y compris un Aborigène, ont remplacé les anciens
évêques originaires de Chine continentale.
Le P. André Ortega Lim, prêtre
diocésain, Philippin, est curé à Toufen depuis 3 ans (170 pratiquants sur 17 000 hab.) : « Des
églises se ferment parce que bouddhisme, taoïsme et religions traditionnelles
se développent. La société high-tech est l’autre défi. Comment arracher les
jeunes à leur ordinateur, I-Pad, téléphones et autres gadgets électroniques ?
Heureusement les gens ne souffrent plus de la grande pauvreté comme il y a 30
ans !
Les anciens s’en souviennent. Les jeunes, eux, ne veulent rien savoir et
consomment. »
Le P. Olivier Lardinois, jésuite,
travaille auprès des Aborigènes de Taïwan :
des Saisiat et Tayal de la région de Hsinchu aux Tayal-Taroko de Hualen ; des Bunun du Centre aux
Tsou de l’Ouest ; des
Rukai, Puyama et Yami-Tao du Sud aux Paiwan de l’Est. « Quelque
16 congrégations et instituts de religieux et 20 congrégations de religieuses
ont travaillé avec les Aborigènes, affirme-t-il. Plus de 35 publications (dictionnaires, études anthropologiques) ont
été faites sur ces différentes langues et ethnies. S’y ajoutent les nombreuses
traductions de l’Écriture et des livres liturgiques dans 12 langues. » Lui-même étudie les
pratiques chamaniques subsistant dans des communautés catholiques aborigènes.
L’Église doit trouver sa place
dans la société par des engagements prophétiques. L’abolition de la peine de
mort reste un sujet sensible. Presque 80 %
des Taïwanais la croient efficace pour réprimer la criminalité.
Les abolitionnistes,
essentiellement presbytériens, catholiques et des bouddhistes, ne rassemblent
que 12 % de la
population. Taïwan est l’un des 28 pays à maintenir la peine de mort dans son
Code pénal. Avec 5 condamnations à mort prononcées en 2010, 45 détenus
attendent dans le couloir de la mort. En avril 2010,
la Conférence des évêques catholiques réaffirmait clairement son opposition à
la peine de mort et sa conviction que ce châtiment suprême ne pourrait en aucun
cas résoudre le problème de la criminalité. Appelant la société taïwanaise à
prendre conscience de la dignité et du caractère sacré de la vie humaine, les
évêques insistaient sur le fait que seul un changement des mentalités et des valeurs
transmises était à même de réinstaurer l’harmonie sociale et de faire accepter
la nécessité de l’abolition de la peine capitale.
Humaniser les conditions des migrants
De janvier à août , 372 146
migrants ont été recensés à Taïwan. Ils étaient 327 396 pour
l’année 2009. Le service des migrants du diocèse de Hsinchu leur porte
assistance. Sr Rosa, d’Indonésie, Mlle Bibi Tran et Sr Joyce, des Philippines,
participent à ce service d’Église.
« Les migrants nous exposent leurs problèmes : heures de
travail pas ou peu payées, maladies non reconnues, abus sexuels… Quelque 9 348
d’entre eux ont quitté leur travail souvent sans avoir pu récupérer leur dû.
Plus de 5 000 autres ont été repris par la police.
Certains exposent leur cas par téléphone. Nous vérifions leurs dires. Puis l’un
de nous, muni de papiers, va les voir. Des rencontres entre patrons et victimes
de malversations sont parfois possibles malgré les difficultés de langues. Les
migrants sont écrasés par leurs problèmes. Il faut les écouter. Leur situation
s’est un peu améliorée grâce aux ONG. Ceux qui veulent revenir après leurs 2
ans de travail peuvent enfin le faire sans avoir à reverser des taxes déjà
payées.
Nous organisons des cours d’anglais, de chinois et d’informatique avec
l’appui de bureaux en ville. Nous rencontrons les migrants dans les lieux où
ils logent.
Près de 400 000 migrants arrivent à
Taïwan chaque année pour faire vivre leur famille. Ils acceptent des métiers
souvent sales, dangereux et pénibles que les Chinois refusent :
propreté urbaine, bâtiment, usines. Les femmes, dans des emplois domestiques,
dans la santé et dans l’électronique. Ils paient souvent de grosses sommes pour
arriver et décrocher un job : 1 mois de salaire pour
obtenir les papiers, 1 an pour travailler, une fois arrivés. Il faut ensuite 1
an pour rembourser les avances faites.
Heureusement que des ONG exigent de plus en plus de respect envers les
migrants pour faire évoluer l’attitude des Chinois à leur égard. Pour la
plupart, les migrants vivent dans des centres dont ils ne sortent que pour les
achats et les week-ends. Pas de mariage possible durant leur séjour ici. Il
faut attendre la fin du contrat “Tu es ici pour travailler, pas pour autre
chose !” »
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