Les confrères massacrés à Kongolo

Le confrère suivant, aumônier militaire à Kongolo, ne fut pas tué à Kongolo le premier janvier 1962, mais à Kabalo, le 08/04/1961, lors d'une opération militaire:




LE R.P. DARMONT, UNIQUE RESCAPE DU MASSACRE, fait le récit de la tragédie de Kongolo

N.D.L.R. : il y a des contradictions dans ce texte par rapport aux témoignages d'origine. Ainsi la nuit du 31 décembre au 1 janvier seulement quelques sœurs ont été reconduites à leur couvent, le Colonel Pakassa n'est pas arrivé le 2 janvier mais le 1er janvier (dans l'après-midi, après le massacre donc), la mission n'a pas été 'détruite' par le bombardement mais fut bien touchée ... etc.

Léopoldville, 25 (n.d.l.r.: 25/01/1962) - Le R.P. Jules Darmont, de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit, seul missionnaire survivant du massacre de Kongolo, est arrivé à Léopoldville jeudi via Kindu. Il a donné les précisions suivantes sur les événements dont il a été le témoin.
   " Il ne s'agit pas de 18 mais de vingt missionnaires de notre Congrégation qui ont subi le martyre à Kongolo ".  Il s'est avéré, en effet, que le R.P. Theo Schildermans, de Overpelt (Limbourg) ainsi que le R.P. Postelmans, de Liège, économe à Kongolo, se trouvent parmi les victimes. Les noms figurant sur la liste publiée antérieurement par l'agence D.I.A. sont donc précisément ceux des missionnaires tués le 1er janvier 1962.

MON NOM ETAIT MARQUE D'UNE CROIX

   " Chose curieuse, dit le R.P. Darmont, j'avais toujours été le premier à être interrogé, à recevoir des coups et à être emprisonné, car mon nom était marqué d'une croix rouge.
    Depuis juillet, j'avais été chargé du ministère spirituel auprès des soldats katangais, succédant dans cette fonction au R.P. Forgeur, tué à Kabalo.
    Au cours des événements de Kongolo, je fus enfermé, avec deux de mes confrères, dans une petite cellule. Un soldat vint m'en retirer disant qu'à trois nous étions trop nombreux. Je fus alors introduit seul dans la toute dernière cellule. Quand vint mon tour à passer devant le peloton d'exécution, le soldat me retint, criant de toutes ses forces : " Toi, à la cave. Les missionnaires y cachent des militaires de Tshombe. Tu vas les montrer ! " Je lui répondis qu'il savait très bien que nous ne cachions pas de soldats katangais, puisque l'armée nationale avait perquisitionné partout. Me poussant dans la cellule il me dit tout bas : " Tais-toi, je veux te sauver !"

Pourquoi devons-nous tuer le médecin ?

    Lorsque le Dr Moreau, médecin français, directeur de l'hôpital de Kongolo, arrivé en novembre 1961, fut tué, j'entendis les soldats se dire : " Ah, c'est trop. Pourquoi devons-nous tuer le médecin ?"
Les militaires étaient honteux et dégoûtés de ce qui venait de se produire. Puis ils m'ont libéré. En me voyant à nouveau ils m'ont dit et répété : " Toi, mon Père, tu as un 'buanga' (fétiche très fort), parce que tu n'es pas mort alors que tes confrères sont tous tués ". Chose curieuse, poursuit le R.P. Darmont, les soldats semblaient contents de me voir.
Le R.P. Darmont précise, entre autres, que les exécutions furent l'œuvre de deux soldats seulement, armés d'un fusil moderne de fabrication belge.
Le R.P. Darmont ajoute que les religieuses congolaises, au nombre de trente-cinq, furent battues et maltraitées par quelques soldats mais d'autres soldats étant arrivés, ils les ont protégées et reconduites à la mission dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Cependant, au matin du Nouvel An, la mission a été prise sous le tir des mortiers, durant plus d'une heure. L'église, la maison des Pères, une partie des écoles furent entièrement détruites. La maison des religieuses fut touchée à plusieurs reprises mais, par miracle, aucune religieuse n'a été blessée.

Attitude héroïque du vicaire général de Kongolo

Il importe de signaler, dit le R.P. Darmont, l'attitude héroïque de Mgr Gérard Kabwe, vicaire général de Kongolo, et celle de M. l'abbé Gervais Mbanza, prêtre séculier autochtone, au moment de l'arrestation et du massacre des missionnaires.
Après l'arrestation, lorsque nous fûmes battus, Monseigneur et M. l'abbé se déchaussèrent également et manifestèrent le désir de subir le même sort que leurs confrères. Une fois l'ordre du massacre connu, Mgr Kabwe et l'abbé Mbanza intercédèrent auprès des soldats les suppliant d'épargner les missionnaires. Ils allèrent même jusqu'à s'intégrer dans la colonne afin d'être fusillés avec les missionnaires mais ce fut en vain, ils furent repoussés.

Le Colonel Pakassa est arrivé le mardi 2 janvier

Au moment du drame, le colonel Pakassa n'était pas à Kongolo. Le R.P. Darmont signale qu'il est seulement arrivé le lendemain des faits, soit le 2 janvier. Le colonel a immédiatement ordonné l'enterrement des victimes congolaises. Le missionnaire précise : " Il m'est impossible d'évaluer le nombre de victimes congolaises. Le colonel Pakassa s'est d'ailleurs indigné de ces massacres et je suis persuadé que, lui présent, ils n'auraient pas eu lieu ".
D'autre part, le cartel Balubakat, qui suit partout les soldats de l'armée nationale congolaise, a tué de nombreux civils et pillé la mission de Kongolo. Le R.P. Darmont affirme également que la cité indigène de Kongolo n'existe plus : tout y a été incendié.

Enfin libéré

Le 23 janvier, dit encore le R.P. Darmont, après que j'eusse vécu des jours d'extrême tension, un petit avion de l'O.N.U. est arrivé à Kongolo. Le major Lawson, de nationalité anglaise, en descendit et me signala que le même avion me prendrait à bord le lendemain et que lui-même resterait avec moi à Kongolo. Il donna ensuite ordre au pilote de repartir. Un autre avion a atterri, une demi-heure plus tard ; je suis immédiatement monté à bord jusqu'à Usumbura où l'avion a fait escale, ne pouvant atteindre Stanleyville par suite d'un ennui mécanique. Le 24 janvier je me suis embarqué à destination de Léopoldville via Kindu, où j'ai eu un entretien avec S.Exc.Mgr Fryns, évêque de Kindu. De là j'ai gagné Léopoldville en passant par Luluabourg ".

La mission de Sola est aux mains des soldats de l'A.N.C.

En ce qui concerne le poste missionnaire de Sola, situé dans le diocèse de Baudouinville, le R.P. Darmont a donné  les précisions suivantes :
    " Sola est tombée aux mains de l'Armée nationale congolaise, le vendredi 19 janvier. Le pont qui enjambe la rivière Suika, et qui est distant de 18 km de la mission ayant été détruit, les soldats ont traversé le fleuve au moyen de pirogues.
Dans cette mission, se trouvaient six Pères Blancs d'Afrique, dont le Père Bogaert, ainsi que quatre ou cinq religieuses Franciscaines de Manage. Tous se sont enfuis dans la brousse ; les soldats les recherchent, non pour les maltraiter, disent-ils, mais pour les ramener sains et saufs à Kongolo. Jusqu'à mon départ de Kongolo, poursuit le R.P. Darmont, on ne les avait pas retrouvés.
(Note de la rédaction de Vers L'Avenir :  de source privée nous croyons que les Sœurs Franciscaines de Manage, ayant gagné une autre mission, sont saines et sauves).
A Sola, l'église et la mission ont été complètement saccagées par les cartellistes de la Balubakat. Les vases sacrés, volés par eux, ont été remis à la mission de Kongolo par les soldats de l'A.N.C.".
La Maison principale des Pères Blancs d'Afrique signale à ce sujet que le nom d'un Père Bogaert est inconnu dans le diocèse de Baudouinville mais qu'à la mission de Sola séjournait le R.P. Bongaerts Albert, de Bree (Limbourg).
Au sujet de la mission de Sola, les Pères Blancs de Bruxelles signalent qu'en date du 25 janvier ils ont reçu un télégramme signalant que trois frères et cinq religieuses katangaises ainsi que neuf Pères Européens de Sola, se trouvent en bonne santé à Bulula (diocèse de Baudouinville).

Les Pères de Lubunda sains et saufs

La mission de Lubunda, située à 30 km de Kongolo, a été attaquée par l'Armée nationale. Le R.P. Darmont raconte comme suit ce qu'il a appris des soldats actuellement stationnés dans ce poste :
" Les missionnaires se sauvant dans la brousse auraient essuyé des coups de feu. Le R.P. André Remy, de Braibant, et un abbé congolais M. l'abbé Jean-Louis Lambert, auraient été touchés et blessés. Recherchés par les militaires, ils auraient été retrouvés et sur ordre d'un officier, conduits à Samba (diocèse de Kindu) puis à Kasongo, chez les Pères Blancs. Le R.P. Maurice Seyssens, originaire de Bruxelles, serait sain et sauf.

Vingt-deux prêtres tués ?

Ajoutons que le major Lawson, de la brigade nigérienne de l'O.N.U. a confirmé dans son ensemble le récit du R.P. Darmont. Il a déclaré, toutefois, que le total des prêtres massacrés s'élève à 22.

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